Depuis des années, j’utilise des phrases tirés de film, de livres, de conversations, de séries…, dans mes dessins et œuvres, presque toujours sans citer mes sources. Dans mon idée, il s’agit de détournements inspirés de ma culture skate, elle même inspiré de culture punk, elle-même inspirée par le situationnisme et le lettrisme, lui-même inspiré par le dadaïsme, mais aussi par la bande-dessinée, la culture religieuse (notamment le retable d’Issenheim de Grünwald), et les graffitis.
Malgré son influence, la découverte du tardive du travail de Guy Debord, avec qui ma mère était amie avant ma naissance, n’est pas forcément à mettre en rapport avec ce que je fais, mais plutôt avec la prédominance de signes, de mots et d’images, de slogans publicitaires et bientôt de réalité augmentée, qui parasitent notre quotidien, nous laissant de moins en moins de place pour penser en dehors de ces associations d’images et d’idées.
Si « tout a déjà été dit fait et pensé », comme nous l’écrivons dans le manifeste de l’art posthume en 2004, « rien ne nous empêchera d’imiter nos pères pour mieux les dépasser ». Avec le problème des droits d’auteurs, devenu un vrai casse-tête pour les artistes d’aujourd’hui, photographes, illustrateurs, graphistes, le statut de ces images composites est encore à définir. Elle est lié à l’utilisation de plus en plus fréquente des Big Data qu’internet met à notre disposition, et qui pourrait bien être la dernière étape de l’homme en quête d’omniscience et d’immortalité avant réalisation de son « devenir dieu ».
Au moment où je m’apprête à lancer un site internet et à mettre à la disposition du public la quasi totalité de mon oeuvre, le problème des droits semble insurmontable. Pourquoi montrer et utiliser en partie des images qui ne m’appartiennent pas alors que je pourrais exposer le reste de mon travail ? Sans doute parce que si l’art est effectivement lié à la volonté de « combler l’espace qui nous sépare », celui-ci ne peut réellement exister sans le terreau commun des images et des textes qui nous lient.
Fabriquer une œuvre avec des images et des textes qui ont été déjà vus et revus n’est pas admettre que l’art est arrivé à sa fin, mais plutôt une façon d’admettre que nous sommes la première génération pour qui l’accès à la culture généralisé pourrait aussi bien être synonyme de liberté que d’étouffement.
Si l’artiste est celui qui donne ou révèle la forme, il est aussi souvent à la fois un guide et le symbole d’une époque destinée à vivre à travers lui de façon posthume. Cet « homme généralisé », à la fois trace et témoignage, indissociable de sa production, pourrait ainsi et pour bien d’autres, n’être que la reproduction de ce qui a toujours été et toujours sera : une preuve définitive de l’immuabilité de l’être avant transformation définitive.