Dans le cadre de son exposition « He is not just a self declared Genius », Artus de Lavilléon traitera, ce samedi 22 novembre 2014 à 16 heures précises, de « l’impossibilité d’échapper à son état d’artiste dans une société où la vitrine fait œuvre », réflexion en lien avec les textes Zéro-dix de Malevich, tract de l’exposition « Zéro-Dix », Petrograd, 19 décembre 1915 – 19 janvier 1916 et « Mode d’emploi du détournement » de Debord et Wolman, revue Les lèvres nues, n°8, Bruxelles, mai 1956.
Invité par Artus de Lavilléon, Pierre Denan lira Au vide, texte inédit, chœur chaotique et musical.
Au vi(d)e
Du détournement aux dessins, je suis curieusement absent de mon art depuis quelques années. Je suis conduit par ma propre pratique sans qu’aucune décision nouvelle n’ait été prise. Ma dernière performance avait trait à un consumérisme de rigueur qui était celui de l’enfermement volontaire dans une surface minimum au sein d’une grande surface, perception sans doute erronée du monde car sans prise directe avec la réalité, ce fantasme du clochard et du banc. Élevé par Maryse Lucas, meilleure ami de Guy Debord, comme le dit la légende et le film « Les enfants de la société du spectacle ». Je suis contre toute forme de spectacle, de récupération, car il n’existe plus de forme de spectacle qui puisse encore être à la fois subversive et valable. Dans le même temps j’expose. Échec d’une contre-culture réformée. L’individualisme n’est pas encore devenu réellement collectif.
Le mythe de l’artiste qui arrête de peindre – car il a fait le tour de tout, ne se sent pas satisfait, de rien, ni des galeries, ni des musées, ces sarcophages de valeurs comme dit Malevich, est une invention, paraît-il. « Qu’est-ce qui vous dit que Malevich était un révolutionnaire ? », « qu’est-ce qui vous dit que ce n’est pas une invention historique ? », me dit un ponte de l’art contemporain, un historien, quelqu’un qui a du passer à côté des milliers de pages où Malevich écrit et dénonce, cherche une nouvelle forme, érige la vérité contre la sincérité, et surtout nous parle d’absolu déjà atteint. L’homme libre. Puis Malevich est torturé et revient à la figuration en assemblant des carrés et des formes géométriques posées les unes sur les autres.
Le détournement. « Dépassement de l’art » (Directive n°1), « Réalisation de la philosophie » (Directive N°2). Exposition en boutique, dans des Lieux Communs (Ellul), tout tenté, tout fait. Que reste-il ? « Au vide », comme le carré de Malevich, comme les directives de Debord, par l’absence, absence de vie, absence de foule, absence de réaction réelle à un moment ou tout est devenu tellement accessible, tellement permis qu’il ne reste rien, même pas un cri dépossédé de son existence – tant littéraire qu’artistique – mais devenu « posthume de son vivant » par la force des choses. Marginalité.
Ce qui se passe à côté a toujours l’air plus vrai.
Artus de Lavilléon, Intention, pour Pierre Denan, mercredi 19 novembre 2014.